Ces chanteurs ont du style !

20.04.2023

Conférence-concert de Amzat Boukari-Yabara et Rocé autour des chants et musiques de luttes

Dimanche 21 mai, Les Trans et Rennes au pluriel proposent une conférence-concert de Rocé et de l’historien Amzat Boukari-Yabara sur le thème des chants et des musiques de luttes. Ce rendez-vous s’appuiera sur la compilation « Par les damné·e·s de la terre » imaginée par le rappeur, qui convoque sur 24 titres les voix de la contestation et de la décolonisation. Interview croisée et avant-goût d’une rencontre, le poing levé.

Comment est née cette compilation, « Par les damné·e·s de la terre » ? Rocé, je crois que vous cherchiez l’équivalent français de Gil Scott-Heron, ce chanteur de soul très engagé dans la lutte des afro-américains et apôtre du spoken word, ce parlé-chanté très revendicatif…

Rocé : Je ne cherchais pas des équivalents français à Gil-Scott Heron, j’en avais déjà entendu. Je m’étais dit que ces artistes étaient complètement sous-représenté·e·s en France. On ne les connaissait pas. Pour ce qui est de la langue française, l’histoire prenait comme référence des chanteurs de la métropole ou de Belgique. Brel, Brassens ou Ferré… Alors qu’en réalité, il y avait des gens qui étaient des références un peu partout où le français s’était installé dans le monde. L’idée, c’était de dire que, par rapport aux diasporas, il y avait des références claires, solides et qui correspondaient à des histoires communes venues des quatre coins de l’espace francophone.

Amzat Boukari-Yabara, vous avez co-écrit le livret de ce disque. Comment s’est fait ce travail ?

Amzat Boukari-Yabara : Rocé m’a contacté avec Naïma Huber-Yahi, une autre historienne, pour l’écrire. Nous sommes arrivé·e·s sur le projet quand Rocé cherchait les morceaux. Au fur et à mesure qu’il en trouvait, il nous les faisait écouter et nous demandait notre avis. J’ai vu tout cela se mettre en place. Une fois que la plupart des morceaux ont été trouvés, on s’est réparti le travail. Naïma s’est concentrée sur le Maghreb, l’Amérique du Nord, et les luttes de gauche. Moi, sur l’Afrique, les Antilles, et le Kanaki. Sur chaque morceau, on a fait des investigations pour expliquer leur histoire, qui en sont leurs auteurs, et ce que cela évoque pour les luttes contemporaines.

Quelle a été la dimension la plus importante dans vos recherches, Rocé. La dimension musicale ou la dimension idéologique ?

R. : Pour moi, ça va ensemble. Le rap m’a touché au début parce que c’était une musique branchée. Chuck D. avait des Jordan aux pieds. Pour moi, l’engagement allait avec. Sans l’engagement, ça ne m’aurait pas touché. Mais sans le côté branché, je n’y serais peut-être pas allé. Tous les chanteurs qui sont dans cette compilation ont du style ! Cette époque-là, 1969–1988, c’est celle des émancipations, des décolonisations. Mais c’est aussi celle de la soul, de la funk. Ce sont les parents du rap… L’esthétique est politique !

Quelle est la chanson qui vous touche le plus ? Et pour quelles raisons ?

A.B‑Y : Peut-être « Hommage à Mohamed Maïga ». C’est une élégie pour accompagner une figure révolutionnaire. Et puis, il y a l’histoire même de ce morceau, plus ou moins censuré, qui disparaît et réapparaît, qui porte sur ce proche de Thomas Sankara au sujet duquel on a peu d’éléments et qui est mort dans des conditions mystérieuses (on suspecte un empoisonnement — NDLA).

R. : Je dirais « Le mal du pays », de Manno Charlemagne. C’est vraiment ce truc que portent les parents, d’où qu’ils viennent, quand ils arrivent ! Avec cette espèce de sentiment : « Est-ce que j’ai laissé le combat ? ». Ce mal du pays, c’est quelque chose d’assez universel pour les exilé·e·s.

Bastien Brun

INFORMATIONS PRATIQUES :

CONFÉRENCE-CONCERT Rocé
Les chants et musiques de luttes
○ Conférencier : Amzat Boukari-Yabara
○ Lieu : Théâtre du Vieux Saint-Etienne
○ Horaires : 18H — 20H30
○ GRATUIT sur inscription
https://my.weezevent.com/conference-concert-les-chants-et-musiques-de-luttes
○ Plus d’informations par à email à camille.royon@lestrans.com ou par téléphone au 0230962118