Retour aux sources : Papooz

23.09.2022

Le duo parisien Papooz, formé par Armand Penicaut et Ulysse Cottin, a sorti au printemps son troisième album None of This Matters Now (Half Awake Records). Avant leur concert à l’Ubu, le tandem rétropédale pour évoquer ses influences musicales.

On découvre souvent les artistes sur scène, sur album ou dans un clip. On peut aussi apprendre à les connaître autrement, en s’intéressant aux groupes et aux morceaux qui les inspirent ou les ont inspirés, et qui sont même parfois à la source de leur cheminement musical…

Oba, Lá Vem Ela, sur l’album Fôrça Bruta (1970) de Jorge Ben

 

Ulysse Cottin : « À nos débuts, on adorait la musique brésilienne. Lors de nos premiers concerts, on jouait par exemple Quiet Nights of Quiet Stars (Corcovado) dans la version d’Antonio Carlos Jobim avec Frank Sinatra. On s’extasiait aussi à l’écoute d’Oba, Lá Vem Ela de Jorge Ben. Ce morceau a beaucoup influencé nos créations au niveau de la rythmique. La voix de Jorge Ben est très expressive. Elle est un peu éraillée, à la façon d’un chanteur de country, mais brésilien, ce qui est assez particulier et très agréable à écouter. »

Armand Penicaut : « C’est un morceau très pop. Ce n’est pas vraiment de la bossa nova, il y a un côté Scott Walker que nous apprécions beaucoup. »

Speeding Motorcycle, sur l’album Yip/Jump Music (1983) de Daniel Johnston

 

U. C. : « Au moment de la sortie de notre premier EP (Papooz, 2015), nous étions très fans de la scène anti-folk : Ariel Pink, Adam Green, les Moldy Peaches, Daniel Johnston, R. Stevie Moore, qui a accompagné à la basse Elvis Presley… Tous ces gars qui s’enregistraient tout seuls dans leur chambre. En concert, on jouait Walking The Cow de Daniel Johnston. Ce musicien s’exprime vraiment avec le cœur. »

A. P. : « Il a écrit plus de 500 titres. On en aime plein. On a choisi celui-ci car on l’a récemment écouté un soir en voiture. Johnston utilisait un magnéto 4 pistes tout pourri. Il n’avait pas compris qu’on pouvait copier les cassettes alors il les réenregistrait à chaque fois pour les donner aux gens afin qu’ils viennent à ses concerts. Il faut voir le documentaire The Devil and Daniel Johnston (2005). J’aime l’honnêteté de son songwriting. Pour moi, c’est un peu le Bob Dylan des années 1990. Il est très premier degré. Kant a écrit sur l’amour en étant vierge, lui a écrit des chansons d’amours géniales sans avoir jamais eu de relations amoureuses. Côté paroles, il est au niveau de Leonard Cohen. C’est un artiste total et unique. Je l’ai vu se produire à la Gaîté-Lyrique, tout le monde pleurait. »

Intentions, sur l’album Rules (2009) de The Whitest Boy Alive

 

A. P. : « Il y a quelque chose de très jazz-bossa nova chez Erlend Øye, le fondateur de The Whitest Boy Alive, qui est depuis devenu un ami. La simplicité de ses arrangements est géniale. Ses chansons sont comme des meubles Ikea : quatre vis, trois planches et ça tient. C’est ce que La Fontaine appelle “l’art du naturel”. Le plus dur dans une chanson pop c’est de faire oublier le travail pour que le résultat paraisse limpide. »

U. C. : « J’ai découvert The Whitest Boy Alive en concert au festival Calvi on the Rocks et j’ai été impressionné par le duo basse/batterie. Le groove a embarqué tout le monde en quelques minutes. Cette approche post-punk avec des harmonies jazz est un mélange rafraîchissant. Cela nous a beaucoup influencé sur Green Juice (2016), notre premier album. Intentions a été une référence pour notre tube Ann Wants To Dance. »

Black Cow, sur l’album Aja (1977) de Steely Dan

 

U. C. : « Pour notre deuxième album (Night Sketches, 2019), nous ne voulions pas nous répéter. Nous avons recruté des musiciens de studio pour obtenir un son plus “Yacht rock”, typique de Los Angeles. Steely Dan incarne ce son groovy West Coast. C’est l’un des premiers groupes à avoir fusionner le jazz et le rock, avec des paroles assez surréalistes. »

A. P. : « Enfant, je suis souvent allé en Californie et cela m’a beaucoup influencé musicalement. Steely Dan, c’est le son de Los Angeles. Il y a quelque chose de solaire. Black Cow correspond au moment où le groupe trouve sa signature sonore. L’album Aja est l’acmé de leur carrière. C’est un disque fascinant. Il nous a donné l’idée d’une sorte de concept autour des mondes de la nuit, d’où le titre de notre album. »

I’d Have You Anytime, sur l’album All Things Must Pass (1970) de George Harrison

 

A. P. : « Avec ses ballades, notre dernier album, None of This Matters Now (2022), est plus pop rock que les précédents. On retrouve beaucoup de guitare slide [technique consistant à glisser d’une note à l’autre, en utilisant notamment un outil en verre ou en métal appelé bottleneck]. Notre référence était George Harrison. C’est un des plus grands guitaristes du monde, même s’il n’est pas aussi technique qu’Eric Clapton. C’est le vilain petit canard des Beatles, il avait moins le droit de composer. Je suis un grand fan d’All Things Must Pass. »

U. C. : « Il a un formidable sens du riff. Au sein des Beatles, ses solos sont toujours très courts mais super efficaces. Celui de Something est incroyable. Cet art du riff à la slide guitar correspond bien à ce qu’on cherchait. »

Papooz est en concert à l’Ubu, le mercredi 5 octobre à partir de 20h (avec Vincent Bricks en première partie).