Retour aux Sources : Oete
Thibaut Blond, alias Oete, auteur d’un premier album baptisé Armes et Paillettes, dégaine les titres clés de sa bande FM personnelle. Un bel échantillon de la variété française des années 1980 qui continue de faire battre les cœurs et les corps.
La fin des étoiles, de Niagara (1992)
“Je découvre Niagara dans les fêtes de village, en Picardie, où j’ai grandi. Je dois avoir 7 ans quand je suis d’abord happé par le tube L’amour à la plage. Je veux en savoir plus sur ce groupe. Pour moi, La fin des étoiles est la plus belle chanson de Niagara. Ce contraste entre des textes dramatiques et une musique hyperdansante résume ce que j’essaye de faire aujourd’hui. J’aime aussi l’aspect visuel du duo. Les plans en noir et blanc un peu kaléidoscopiques de mon clip Défense sont inspirés par ceux de la vidéo J’ai vu de Niagara. J’écoute au moins une fois par semaine l’album La Vérité (1992). J’aime la voix de Muriel Moreno. Je suis fan des chanteuses de 40 ans dont on a l’impression qu’elles ont fumé toute leur vie. J’ai une voix moi aussi particulière, difficile à dompter ou à maîtriser. Mais j’ai compris avec des artistes comme Muriel Moreno ou Christine and The Queens à quel point le chant pouvait être quelque chose de très instinctif où la technique peut passer au second plan.”
Le grand sommeil, de Etienne Daho (1984)
“Je pense que j’entends pour la première fois Etienne Daho, enfant, un dimanche après-midi devant ma télé avec Week-End à Rome. Plus tard, à Paris, je dois avoir 18 ans quand je tombe chez un disquaire sur la sublime pochette de La notte, la notte (1984) signée Pierre et Gilles, deux photographes que j’adore. Je trouve cette image incroyable alors je l’achète. Je mets le disque sur ma platine et je découvre Le grand sommeil. Cette chanson représente bien mon état d’esprit du moment à Paris. La capitale est certainement l’une des plus belles villes du monde. Elle permet d’accéder à une offre culturelle et artistique très enrichissante. Mais d’un autre côté, on y vit les uns sur les autres. Elle perd en humanité. Des fois, à Paris, on n’a pas très envie de se réveiller. On aimerait bien tomber dans ce grand sommeil. La façon dont des artistes comme Etienne Daho ou Bernard Lavilliers ont mené leur carrière est admirable. Ces piliers de la chanson française sont encore là car ils ont su se transformer. Je suis actuellement en train d’écrire mon deuxième album et je me pose des questions sur la manière dont je vais faire évoluer ma musique”.
Saint Claude, de Christine and the Queens (2014)
“J’ai 15 ans quand j’entends Saint Claude pour la première fois. Le texte est hyper imagé. C’est une poésie à laquelle je ne comprends absolument rien mais qui me fascine totalement. Je regarde le clip et je suis envoûté par cette danse contemporaine incroyable, une véritable performance que je ne voyais auparavant que chez des artistes américains. Je repense au live de Nuit 17 à 52 sur la scène des Victoires de la Musique 2014. Christine And The Queens entame quelques mouvements, dépose des paillettes au coin de son œil. C’est minimaliste et en même temps hyper fort. Elle m’a beaucoup inspiré dans mon approche de la scène. Par ailleurs, Saint Claude a pour origine les moqueries dont est victime un homme dans un bus. Christine and The Queens est l’une des premières à parler d’homophobie, à sa manière. Quand j’entends Saint Claude, ça me fait du bien à l’époque. Je me dis alors : “Ta vie va être compliquée mais c’est possible.”
Chercher le garçon, de Taxi Girl (1980)
“J’ai la chance d’être entouré de personnes plus âgées qui me font découvrir d’autres choses. Une fois, en soirée, quelqu’un passe cette chanson. Je la trouve formidable. Je découvre du même coup Taxi Girl et Daniel Darc. C’est une révélation. Dans Chercher le garçon, il y a l’idée de se chercher soi-même. Cela rejoint la philosophie de Descartes ou de Kant. Et, puis, on entend aussi la volonté de chercher l’autre, le garçon. J’aime bien ça. En tant que garçon, je me cherche encore moi-même. Sur le plan musical, ce titre m’ouvre une porte vers la New Wave, une musique de soirée que je ne connais pas très bien. Cela me conduit vers des groupes comme Boy Harsher et des sonorités électroniques qui forment la base de ma musique. Quand Daniel Darc chante, on devine toute sa sensibilité. Sa voix me transperce même s’il était meilleur pour les addictions que pour la diction. C’est une âme qui ne peut que vous toucher. J’ai fait mon album, Armes et Paillettes, au studio CBE, là où enregistrait Daniel Darc. Mon titre Merci d’avoir vécu rend hommage à mes idoles et à lui particulièrement. J’ai ressenti une grande émotion en interprétant ce morceau dans ce lieu qu’il avait fréquenté.”
Let be must the Queen, de Guesch Patti (1988)
“Le hasard de la vie fait que je suis amené à rencontrer Guesch Patti en 2018. Je ne connaissais que son tube Etienne. Je me suis donc renseigné sur sa carrière et je suis tombé sur le clip incroyable de Let be must the queen. Je suis tombé amoureux de son esthétique, de cette femme qui vide ses tripes, cela frôle la folie. Ce morceau n’est pas juste une suite couplet-refrain, c’est un vrai scénario, un bout de cinéma. C’est ce qui me touche le plus. J’ai beaucoup de mal avec les paroles en anglais. La langue crée une sorte de barrière et je ne m’attarde pas sur le texte. Chez Guesch Patti, il y a toujours quelque chose de très ostentatoire, une revendication. On ne fait jamais de la musique juste pour faire de la musique. Moi, je fais de la musique car j’ai bien trop de névroses pour ne pas en faire.”