Daft Punk, 1986–2021 : une chronologie
Annoncée ce 22 février 2021, la fin du duo électronique français Daft Punk, véritable phénomène musical mondial du quart de siècle écoulé, nous donne l’occasion de passer en revue les grandes étapes de son histoire, de la rencontre à la séparation.
1986
Rencontre à Paris, au collège, de Thomas Bangalter (né le 3 janvier 1975) et Guy-Manuel de Homem-Christo (né le 8 février 1974).
1991–93
Formation du groupe Darlin’, en trio avec Laurent Brancowitz (futur guitariste du groupe Phoenix), puis sortie d’un unique 45 tours sur le label Duophonic appartenant au groupe Stereolab. Cet essai noisy pop ne rencontre pas le succès, mais il leur vaut au moins une chronique négative dans le magazine anglais Melody Maker où la musique est alors qualifiée de « daft punky trash » c’est-à-dire de « déchet punk idiot ».
Fin 1993
Thomas Bangalter et Manuel de Homem-Christo créent Daft Punk. Le duo fait écouter une première cassette démo au label écossais Soma Quality Recordings.
Avril 1994
Sortie sur le label Soma d’un premier EP, le vinyle 4 titres The New Wave, qui pose les bases d’un son encore en cours de maturation, mais déjà singulier.
Mai 1995
Sortie au Royaume-Uni des titres Da Funk et Rollin’ & Scratchin’ sur un même vinyle. Les deux morceaux se propagent comme une rumeur grandissante dans les meilleurs clubs européens.
En parallèle, Thomas Bangalter lance son propre label, Roulé, pour sortir ses productions en solo ainsi que celles d’autres artistes.
2 décembre 1995
Daft Punk joue en live aux Trans Musicales, en format club, à l’Ubu.
Retrouvez le témoignage du directeur artistique du festival sur ce concert
1996
Le groupe prépare son premier album et signe avec Virgin France pour la fabrication, la distribution et la promotion de ses disques mais reste propriétaire de ses enregistrements. Da Funk ressort en CD pour un public plus large, accompagné d’un clip marquant (réalisé par Spike Jonze) qui pèsera fortement ensuite dans la diffusion à l’international de la musique du groupe.
7 décembre 1996
Daft Punk revient aux Trans Musicales, mais cette fois dans le plus grand hall du Parc Expo lors de la deuxième soirée Planète. Ce moment crucial témoigne d’un basculement, le passage d’un palier important dans la relation entre la musique du duo et les publics.
20 janvier 1997
Sortie mondiale d’Homework, le premier album de Daft Punk. Avec sa collection de tubes maniant avec intelligence des samples glanés dans les sillons de vieux vinyles oubliés, ce disque est sans doute l’un des premiers albums de house music à rencontrer un si grand succès international, autant auprès des spécialistes que des néophytes en matière de musiques électroniques. Amateurs de disco, de funk, de techno, de rock… de l’underground au grand public, le disque rassemble au-delà des clivages habituels de l’époque et assure au duo la place de locomotive du mouvement perçu à l’étranger sous le nom French Touch.
Avril 1997
Les Daft Punk profitent de leur succès naissant pour affirmer leur opposition aux codes et pratiques du star system, dans le respect de valeurs associées au mouvement techno (notamment par le collectif de Detroit Underground Resistance) : ils prennent l’habitude de porter des masques pour les interviews filmées et les séances photos, même s’ils les choisissent souvent au dernier moment et de façon improvisée.
Dès leur sortie en avril 1997, le single Around The World et son clip réalisé par Michel Gondry (avec la participation de Blanca Li pour la partie chorégraphique) achèvent de diffuser la musique de Daft Punk dans les derniers recoins du monde qui n’y avaient pas encore succombé.
La même année, Guy-Manuel de Homem-Christo lance également son propre label, Crydamour :
1er janvier 2000
Après trois années d’ascension inexorable mais totalement maîtrisée, le duo entame un nouveau chapitre de son histoire. Le passage à l’an 2000 se matérialise par la transformation radicale de leur image publique et sa représentation symbolique sous les traits de deux robots humanoïdes pour lesquels ils ont fait fabriquer des casques par un studio d’effets spéciaux hollywoodien. Après David Bowie, Kraftwerk et Underground Resistance : Daft Punk !
12 mars 2001
Sortie du très attendu Discovery, un deuxième album qui fait débat tant les avis sont contradictoires parmi les fans du premier. En cause : le virage esthétique emprunté par les artistes qui, malgré des bases rythmiques toujours funky et disco, revendiquent une approche « pop » ouverte aux quatre vents : clins d’œil au rock progressif de la fin des années 1970, mais aussi aux guitar heros chevelus et à une pop synthétique des années 1980 pleine de paillettes, de néons colorés et de reflets brillants.
Deux jours avant cette sortie d’album, le journal Libération publie une interview éclairante sur la démarche et l’état d’esprit des artistes à cette période.
Malgré les débats, l’histoire a jugé en faveur de Discovery puisqu’en plus de son succès et de sa pertinence jamais contredite depuis, il a très fortement influencé les artistes de musiques électroniques des années 2000, et notamment ceux ayant adopté le son electro-house typique de cette décennie. A commencer bien sûr par la scène française parfois qualifiée de « French Touch 2.0 », avec notamment Justice et SebastiAn.
1er octobre 2001
Contre toute attente, le groupe sort Alive 1997, un large extrait d’une performance live captée au Que Club de Birmingham quatre ans plus tôt. 45 minutes de house radicale et d’une énergie rock qui témoignent d’une première période brute. La moiteur du club est même presque perceptible à l’écoute de l’enregistrement.
28 mai 2003
Sortie au cinema de Interstella 5555 : The Story of the Secret Star System. Ce film d’animation long-métrage écrit et produit par Daft Punk est réalisé par Kazuhisa Takenouchi et supervisé par Leiji Matsumoto, célèbre créateur de mangas, dont Albator et Galaxy Express 999. Imaginé dès la phase de composition de l’album Discovery, ce film ne comporte aucun dialogue puisque seuls les morceaux de ce disque occupent l’espace sonore de ce grand dessin animé. Un projet unique en son genre qui témoigne encore de l’ambition artistique du duo.
14 mars 2005
Sortie de Human After All, troisième album studio de Daft Punk. Pour contrebalancer l’ambition sans borne des projets précédents, le duo créé ce nouvel album comme un disque de rock garage, en quelques jours seulement, en recherchant une énergie plus directe et une approche plus simple et moins sophistiquée que Discovery.
Certain·e·s fans du groupe sont déçu·e·s par le caractère répétitif des compositions mais dans leur simplicité, ces morceaux s’avèrent être finalement un matériau de premier choix pour mettre en valeur d’autres artistes moins connus à travers des remixes particulièrement inspirés.
2006/2007
Comme s’ils voulaient corriger l’accueil mitigé et l’incompréhension autour de leur dernier album, les Daft Punk mettent au point dans le secret le plus total le show qui aura sans doute le plus d’influence sur la production de spectacles de musiques électroniques. Outre la musique qui est constituée d’assemblages de fragments de morceaux issus de leurs trois albums, ils conçoivent une scénographie « pharaonique » construite autour d’une pyramide au sommet de laquelle ils officient, et d’une profusion jamais vue jusque-là de dispositifs lumineux à LED de dernière génération, s’appuyant sur leur très récent développement. Un nouveau type de show audiovisuel est né, et aucun artiste de musiques électroniques d’envergure ne peut désormais l’ignorer.
Le festival américain de Coachella a la primeur de cet événement en avril 2006 et le show est ensuite joué 47 fois jusqu’à décembre 2007. Entre temps, la date qui s’est tenue au Palais Omnisport de Paris-Bercy le 14 juin 2007 est enregistrée puis sortie sur disque sous le titre Alive 2007.
24 mars 2007
Après une présentation à Cannes en mai 2006, le duo sort au cinéma Daft Punk’s Electroma, un long-métrage conceptuel qu’il a écrit et réalisé, dans lequel leurs avatars robotiques, vivant dans un monde peuplé de robots, partent dans un road trip en quête d’humanité. Même si la portée commerciale du film est bien moins conséquente que les productions musicales du groupe, il reste, de par son sujet, une forme d’aboutissement dans l’œuvre de Daft Punk et en particulier sur le traitement du rapport entre l’humain et la machine.
7 décembre 2010
Sortie de la bande originale du film Tron : Legacy, enregistrée avec l’Orchestre Philharmonique de Londres. Les deux Français tentent une nouvelle expérience en associant leur savoir-faire en matière de productions électroniques à une écriture orchestrale qui leur est étrangère. Si le film reçoit un accueil mitigé, la musique est quant à elle très bien reçue par la critique et les publics, notamment aux États-Unis.
17 mai 2013
Sortie de Random Access Memory, quatrième album studio. Huit ans après le très décrié Human After All, le duo propose son disque le moins électronique et fait appel à trois de ses héros des années 1970 : Nile Rodgers (le guitariste et leader du groupe disco funk Chic), Paul Williams (compositeur de pop et de musiques de films, dont celle de Phantom of the Paradise de Brian De Palma, une référence essentielle pour les Daft Punk) et Giorgio Moroder (figure fondatrice du son disco européen). Mais les deux Français élargissent ce casting unique avec des artistes plus contemporains, notamment Pharrell Williams, Chilly Gonzales, Julian Casablancas, Todd Edwards, Panda Bear et DJ Falcon. Au-delà de ce générique prestigieux, les morceaux sont bien là, et sans doute dans la veine la plus fédératrice que Daft Punk ait jamais explorée : le succès est immense et les récompenses pleuvent pour cet album qui marquera sa décennie, comme les deux premiers albums l’avait fait pour les deux décennies précédentes.
2014/2016
Le succès de Random Access Memory ouvre la voie à d’autres collaborations avec des artistes de premier plan, notamment l’Américain Kanye West et le Canadien The Weeknd avec qui les Français enregistrent deux singles successifs, Starboy puis I Feel It Coming.
14 juillet 2017
Lors du défilé du 14 juillet 2017, la fanfare militaire mobilisée joue notamment un medley de Daft Punk sous les yeux des présidents de la France et des États-Unis. Un choix décalé qui provoque une scène cocasse qui a bien sûr amusé beaucoup de fans du groupe mais qui donne aussi une idée de la place de Daft Punk et de son œuvre dans son époque.
22 février 2021
Daft Punk annonce sa séparation en publiant sous le nom « Epilogue » une scène de son film de 2006 Electroma dans laquelle l’un des robots se suicident, en ajoutant cependant dans la bande-son le passage final du morceau Touch issu de leur dernier album où l’on entend cette déclaration ultime venue des cieux : « Love is the answer ».
Daft Punk aux Trans 1995 : le témoignage de Jean-louis Brossard
Histoires de publics : Daft Punk
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