[Interview] Un an avec Roszalie

16.04.2025

Projet musical lancé en 2023, Roszalie a réalisé un très beau parcours depuis un peu plus d’un an, avec comme point culminant sa prestation aux Rencontres Trans Musicales en décembre dernier, suivie le lendemain par l’enregistrement d’une session KEXP, toujours dans le cadre du festival. Nous avons interviewé deux de ses trois membres pour revenir sur cette année un peu folle, et ses différentes étapes accompagnées par Les Trans et d’autres structures de la région.

Roszalie est un groupe formé par deux frères originaires de Fougères, Paul et Ronan Rosalie, et complété à la batterie par Guillaume Rossel (DBFC, Rachid Taha, Les Amirales…). Sur scène comme en studio, le trio déploie une pop électronique, mélodique et dansante, parfois décrite comme une rencontre entre les univers de Phoenix et de Moderat. Après une année 2024 qui a été déterminante dans la mise sur orbite du groupe, et avant un été 2025 qui le verra programmé dans de nombreux festivals, nous leur avons demandé qu’ils nous racontent ce parcours sans faute qui inspirera peut-être d’autres jeunes groupes…

Les Trans : Quel est votre sentiment général sur cette année assez incroyable pour Roszalie ? 

Ronan Rosalie : Step up ? [augmentation, passage au niveau supérieur] Oui, on peut dire ça. On est passé de l’amateurisme, entre guillemets, à quelque chose de vraiment professionnel. Et puis on a maintenant la chance d’être aussi accompagnés par le tourneur Radical Production qui nous développe avec beaucoup d’ambition et d’envie. C’est hyper motivant. Et donc on va se retrouver cet été sur des grosses scènes. C’est une suite logique, mais c’est assez incroyable  ! 

Pour revenir au début, vous participiez il y a plus d’un an à des actions dans le cadre des Trans en Résidence à Fougères : qu’est-ce que vous avez tiré de cette expérience ?  

Intervention du groupe Roszalie en milieu scolaire à Fougères

© ATM

Ronan : Personnellement, je n’avais jamais fait ça, toute la partie “actions culturelles”. C’était la première fois que j’intervenais en tant qu’artiste en milieu scolaire. Et j’ai trouvé ça vraiment cool, le fait de partager, avec des gens qui n’ont jamais été sur scène, qui n’ont peut-être jamais touché un instrument, et d’essayer de faire de la musique ensemble. C’est une riche expérience, que ce soit pour eux ou pour nous. Et puis l’accompagnement des Trans, c’est vraiment bien, vous êtes hyper présents autour de nous, que ce soit avec les élèves, pour encadrer, ou même en dehors des ateliers et de la résidence, pour tout organiser. 

Guillaume Rossel : L’échange avec les élèves était vraiment super. Ainsi que la mise à disposition des outils pour travailler sur scène et mettre en place notre son. Ça a été un grand coup de pouce pour nous faire évoluer et pour nous aider à préparer des échéances comme les Trans Musicales, ou même les Inouïs. 

Justement, à propos des résidences, vous les avez faites dans quels lieux ? 

Ronan : La première, c’était au Centre Culturel Juliette Drouet, avec vous, Les Trans, dans le cadre de votre résidence de territoire à Fougères. Ensuite, en avril à l’Ubu, encore avec vous, juste avant le Printemps de Bourges. 

Vous aviez travaillé quelle partie de votre set sur chaque résidence ?  

Ronan : La première, c’était plutôt le coaching scénique, l’attitude et la set list pour Bourges. Et sur la deuxième partie, c’était plutôt les lumières et le son, pour vraiment tout caler. Après, ça a continué à partir de la rentrée de septembre, dans le cadre de la production mutualisée avec l’Antipode à Rennes, Hydrophone à Lorient et le Pôle Sud à Chartres de Bretagne. 

Guillaume : En septembre à l’Antipode, c’était très orienté sur les lumières, on a fait ce qu’on appelle des “tableaux de lumières” pour pouvoir préparer la scéno à venir. La deuxième, c’était Hydrophone et là, c’était vraiment plus pour le son. 

Ronan : Oui, et aussi le changement de console de mixage pour s’adapter à différentes scènes. Ainsi que la scénographie, qui est basée sur des miroirs qui sont derrière nous, dans lesquels on envoie quatre projecteurs hyper puissants, ce qui permet de créer des formes et d’articuler tous ces jeux de lumières autour de la musique. C’est ce qu’on a essayé de faire pour développer des ambiances, et une évolution dans le set. C’était vraiment l’ultime résidence pour bien préparer les Trans Musicales. 

Roszalie aux Trans Musicales 2024

© Mozpics

Guillaume : Ensuite, la troisième, c’était après les Trans. On a fait une résidence de composition au Pôle Sud de Chartres-de-Bretagne. C’était plutôt un atelier créatif. On s’est installés sur scène, on a tout branché et on a composé chacun de notre côté. Puis après, on s’est fait écouter en fin de journée. On a vraiment axé le travail sur la compo, avec l’envie de faire un album. C’était le bon moment parce qu’on avait un trou entre les Trans et la reprise de la tournée en avril/mai. Ça nous a permis de commencer à réfléchir et travailler sur un album pour 2026. 

On peut revenir sur novembre 2024 et la Tournée des Trans, pour laquelle vous avez fait une date ? 

Guillaume : Oui, au Quai M, à la Roche-sur-Yon. Et c’était un super concert. 

Est-ce que vous avez pu tester en conditions réelles le travail que vous veniez de faire lors des différentes résidences ? 

Guillaume : Oui, sauf qu’on n’avait pas encore la scéno, il me semble. Du coup, on n’a pas pu tout tester. Mais on a pu voir l’effet du set sur les gens, tester les réactions, c’était super. 

Et puis enfin les Trans Musicales, début décembre. Vous pouvez nous en parler ? 

Guillaume : On a passé un moment juste génial. C’est quand même Les Trans Musicales ! Ça va au-delà du fait qu’on soit un groupe local ou pas, c’est pas le sujet. Ce ne sont pas les premières Trans que je fais [avec Charly Cottage en 1993, Pat Panik & La Rayure en 2000 et 2001, Rachid Taha Zoom Project en 2012, DBFC et VKNG en 2014 et Les Amirales en 2019] et malgré mon expérience, j’ai eu une bonne montée de stress, mais un stress plutôt positif. Et j’étais surpris de voir comment Ronan et Paul se sont sentis super à l’aise alors que c’était leur première fois. 

Roszalie aux Trans Musicales 2024

©NicoM

C’était assez fou de voir qu’au bout d’une ou deux minutes sur scène, on se sentait super bien… On a pu vraiment le communiquer au public assez vite et tout s’est mis en place. Tout ce qu’on avait prévu de faire, ça s’est déroulé. C’était assez dingue, parce qu’en plus, le spot était énorme [le Hall 5, le plus grand du festival avec une jauge de 6000 personnes]. 

C’est vrai qu’étant donné que Roszalie a été créé en 2023, on aurait pu se demander si le groupe était déjà prêt pour une si grande scène. Mais les doutes éventuels ont été dissipés dès le début du concert. 

Ronan : Oui, mais ça c’est Jean-Louis [Jean-Louis Brossard, directeur artistique du festival], qui nous a dit longtemps avant “vous allez jouer à telle heure”. Et il a tenu ça… 

Guillaume : C’était des mois avant, c’est exactement ce qu’il a dit. Il voulait que ce soit sur le hall principal, à minuit, en peak time [l’heure de pointe, le moment d’une soirée où il y a le plus de monde et où sont programmées les plus grandes têtes d’affiches dans la plupart des festivals]. Il fallait le faire. Dix minutes avant, on ne faisait pas les malins. Comme souvent, on s’est fait un gros câlin, on y est allé et puis boum ! Le public a tout de suite capté le truc. Il y a eu un échange direct et c’est parti. C’était vraiment génial, c’est un souvenir énorme. 

Et ensuite, y  a‑t-il eu un “effet Trans” ? Est-ce que ce concert vous a ouvert des portes ? 

Guillaume : Aux dires de notre tourneuse Hélène Maigné, qui s’occupe de nous chez Radical Production – et super bien d’ailleurs – son téléphone n’arrêtait pas de sonner… C’était des programmateurs qui voulaient caler une date. Il y a eu Bobital, Art Rock, et plein de festivals qui ont montré leur intérêt. Elle a pu monter une tournée entière suite à ce concert. Les retombées ont été assez incroyables. 

Vous avez à peu près combien de dates prévues pour cet été ? 

Guillaume : Une quinzaine. Il y a encore des options en cours, certaines confirmations arrivent tard. 

Ronan : On est encore un groupe en développement et ils attendent la dernière minute.

Guillaume : On n’a qu’un EP, qui est sorti juste avant les Trans. On fait donc partie des derniers slots [les derniers créneaux de programmation encore disponibles] sur les festivals, ce n’est pas nous qui allons faire vendre les billets… Mais chez Radical, ils travaillent à fond, là-dessus on peut leur faire confiance. Ils nous ont déjà monté une belle tournée d’été. On part aussi un peu à l’étranger, on va en Pologne en août. Ça va commencer à se développer un peu à l’international. 

Roszalie aux Trans Musicales 2024

©NicoM

Ronan : On attend aussi avec impatience la session KEXP [cet entretien a eu lieu 3 jours avant sa publication le 3 avril]. 

Comme vous le disiez plus tôt, vous allez jouer cet été sur des festivals où le public vient avant tout pour les têtes d’affiches. Est-ce que finalement, en tant qu’ousiders, vous n’aurez pas un peu moins de pression qu’aux Trans Musicales ? 

Ronan : Nous, dans tous les cas, on aime bien se mettre un peu de pression, mais l’idée, c’est évidemment de prendre du plaisir, et aussi de faire à chaque fois un concert unique. On ne va pas se reposer sur des acquis, on va faire le maximum. 

Guillaume : La pression est nécessaire, et c’est sûr qu’on va y aller le couteau entre les dents. Ça challenge aussi beaucoup d’avoir des têtes d’affiche derrière… 

Vous devez convaincre chaque personne dans le public… 

Guillaume : C’est exactement ça ! Et ça, on va le faire à fond. On a trop hâte. 

Parlons maintenant de la session KEXP. Vous pouvez nous raconter comment ça s’est passé pour vous ? La journée en elle-même, les relations avec l’équipe du tournage… 

Ronan : Déjà, de savoir qu’on va faire un KEXP, c’est fou… Tous les trois, on regarde KEXP depuis des années. Ce sont tous les groupes qui inspirent un peu ce qui va se passer en musique, en tout cas en “indé”. C’est quand même quelque chose… 

Guillaume : C’est une grosse référence mondiale. L’équipe technique était top. Du coup, nous, on a réussi à faire un one shot. C’est-à-dire qu’on s’est installés, on a fait la balance… 

Ronan : …et on les a prévenus, en leur disant : “normalement, on va jouer une fois et tout va s’enchaîner”. 

Guillaume : Ils étaient ravis parce que c’était un peu à la fin des sessions, je crois. On faisait partie des derniers groupes et ils étaient rincés. 

Ronan : Nous aussi, on était rincés, on avait dormi 5 heures. 

Roszalie

©Carlos Cruz

Apparemment, c’est vous qui avez fait le mixage ? Vous n’avez pas voulu les laisser faire ? 

Guillaume : On est venus avec notre console de son. Il y avait le mec qui fait les masterings de KEXP, qui lui, mixe toutes les sessions enregistrées dans leur studio à Seattle. 

Ronan : Mais le gars était trop content qu’on arrive avec une console et les ingés son ont vachement parlé entre eux. Le nôtre, Guilherm, a fait un mixage et ils ont dit : “OK, go ! 

Guillaume : Quand on est arrivés, on leur a juste demandé deux prises électriques parce qu’on avait tout notre système, même nos propres micros. Ils étaient assez surpris… Ça ne leur arrive pas souvent que les groupes arrivent avec tout le matériel, surtout un groupe en développement. Sinon, les échanges étaient super, on a même pris un verre ensemble. 

Ronan : On voulait fêter la fin des Trans, alors on leur a dit : “Allez, on vous paye un coup de champagne !”. C’était cool pour finir. 

Au-delà du plaisir ou de la fierté d’avoir enregistré “votre session KEXP”, qu’attendez-vous de sa diffusion ? 

Guillaume : On espère forcément des retombées. Le groupe Meule, qu’on connaît bien, l’a fait il y a deux ans [dans le cadre des Trans Musicales 2022]. Ça leur a permis d’avoir beaucoup de dates à l’international. Évidemment, je pense qu’il y a eu aussi des retombées au niveau national, mais ça leur a vraiment apporté une notoriété et des dates à l’étranger. 

Et c’est vrai qu’il n’y a pas tant de groupes français que ça qui ont enregistré des sessions KEXP, en dehors du cadre des Trans Musicales. 

Ronan : Oui, c’est ouf. 

Guillaume : On a vraiment de la chance. Ça s’est joué au dernier moment. C’est vraiment un honneur d’avoir pu faire ça. On a hâte de la regarder parce qu’on n’a pas encore vu d’images. On va découvrir en même temps que tout le monde, donc ça va être top !