Retour aux sources : Badume’s Band & Selamnesh Zéméné

20.10.2021

On découvre souvent les artistes sur scène, sur album ou dans un clip. On peut aussi apprendre à les connaître autrement, en s’intéressant aux groupes et aux morceaux qui les inspirent ou les ont inspirés, et qui sont même parfois à la source de leur cheminement musical.

Voilà plus de quinze ans que Badume’s Band entretient la flamme et le groove de l’éthio-jazz. À l’occasion de la sortie d’un nouvel album avec la chanteuse Selamnesh Zéméné (Yaho Bele, chez Innacor) et d’un prochain concert à l’Ubu, le 28 octobre, le guitariste Rudy Blas passe en revue les influences du plus éthiopien des groupes bretons.

L’album Erè Mèla Mèla (1975), de Mahmoud Ahmed with The Ibex Band

« A 19 ans, j’ai découvert la musique éthiopienne avec cet album magique. Mon ami Antonin Volson, aujourd’hui batteur de Badume’s Band, le possédait en cassette. Il nous l’a fait écouter peu de temps avant que le CD soit réédité en 1999 dans la collection Éthiopiques. Ces mélodies éthio-jazz sont à la fois familières et mystérieuses. Elles dégagent un charme fou. C’est un mélange de musique traditionnelle, de soul et de psychédélisme typique des années 1970. Quand on a créé Badume’s Band, en 2004, on reprenait sur scène l’album Erè Mèla Mèla. On venait de la musique bretonne. Notre chanteur, Éric Menneteau, avait appris l’amharique en phonétique ! Par la suite, nous avons accompagné des artistes éthiopiens comme Mahmoud Ahmed et Alèmayèhu Eshèté. »

Tezeta, par Asnaqètch Wèrqu (1978)

« C’est la musique éthiopienne dans sa version la plus épurée : une voix féminine et un krar, une sorte de lyre très ancienne jouée avec les deux mains. C’est magnifique à regarder et à écouter. Tezeta, c’est le blues éthiopien. Cette complainte est un passage obligé pour tout artiste local. C’est un genre languissant qui exprime la nostalgie, la tristesse amoureuse. Cela nous touche beaucoup. Cela nous rappelle la mélancolie de la gwerz bretonne. Nous partons de ce type de morceau, très dépouillé, et nous construisons sur cette ossature des arrangements pour nos différents instruments. »

 

O.D.O.O., par Fela Kuti & Egypt ’80 (1989)

« Avant de monter Badume’s Band, nous avons joué au sein de la formation Gwenfol [programmée aux Trans Musicales 1997]. Au milieu de notre répertoire breton, on reprenait ce titre de 30 minutes de Fela Kuti avec notre section de cuivres. Avec un autre groupe, baptisé Heat Wave, on interprétait aussi James Brown, Otis Redding. Afrobeat, soul, musique éthiopienne… Notre démarche est toujours la même. Aller au fond d’un répertoire, comprendre comment ces musiques sont fabriquées pour être fidèle à leur esprit. Aujourd’hui, Badume’s Band ne possède plus de cuivres. Mais l’influence de l’afrobeat et de son illustre batteur Tony Allen s’entend toujours dans notre rythmique basse-batterie. »

 

Jimi Hendrix – Machine Gun (live, 1970)

« Badume’s Band fonctionne désormais avec la même formule ramassée qu’un groupe de rock. Mon rôle a évolué. Auparavant je tenais la rythmique à la guitare. Aujourd’hui, je me place à côté de notre soliste, la chanteuse éthiopienne Selamnesh Zéméné. Voix et instrument sont à l’unisson, comme pouvait le faire Jimi Hendrix. L’album Band Of Gypsys est ma première claque musicale. C’est en écoutant ce disque que j’ai eu envie de faire de la guitare. Je suis toujours impressionné par l’expressivité du jeu d’Hendrix. »

 

John Coltrane – Compassion (1965)

« Les membres du groupe ont tous une passion pour le jazz. Le saxophoniste John Coltrane est le maître à penser de nombreux musiciens. Jimi Hendrix et Eric Clapton l’écoutaient. Il est le Jean-Sébastien Bach du XXe siècle. Malheureusement, il tombe un peu dans l’oubli. L’époque n’est plus très jazz. Notre répertoire traditionnel est basé sur la musique modale qu’il a totalement révolutionné. La musique de John Coltrane et la musique éthiopienne sont comme une incantation. Elles possèdent toutes les deux un caractère obsessionnel et hypnotique. »

Badume’s Band & Selamnesh Zéméné, en concert le jeudi 28 octobre à l’Ubu.

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