Retour aux sources : Terrier

21.02.2022

Vendéen délocalisé en région parisienne, David Enfrein, alias Terrier, fait son trou à coups de guitare électrique dans le jardin de la chanson urbaine. À l’occasion de son concert à l’Ubu, l’auteur de l’EP Naissance (2021) exhume les musiques qui ont façonné sa patte.

On découvre souvent les artistes sur scène, sur album ou dans un clip. On peut aussi apprendre à les connaître autrement, en s’intéressant aux groupes et aux morceaux qui les inspirent ou les ont inspirés, et qui sont même parfois à la source de leur cheminement musical.

Copter (2016) par Survive

« C’est la B.O. de la série Stranger Things (Netflix) qui m’a permis de découvrir le travail des compositeurs Kyle Dixon et Michael Stein, les fondateurs du groupe Survive. La synthwave est un genre qui me touche depuis l’adolescence. La musique de la série a un côté très pop que j’aime beaucoup. Quand je débarque en studio ou quand j’arrive dans une salle avant un de mes concerts, je passe ce morceau de Survive. Il dégage une énergie et une urgence qui me mettent à l’aise. Il a un truc teenage qui sonne facile, simple, droit. Cela me rappelle des moments de l’adolescence, de bons souvenirs, les premières conneries entre potes. J’essaye dans mes titres de retrouver ce côté teenage et spontané. »

Waterfalls (1980) par Paul McCartney

« J’aurais pu choisir n’importe quel morceau des Beatles, en groupe ou en solo. Quand je suis retourné en studio en novembre dernier pour composer, je suis retombé sur l’album McCartney II que j’avais totalement oublié. Je l’ai écouté d’une traite. Chaque chanson est magnifique. La pureté des mélodies me touche beaucoup. Celle de Waterfalls particulièrement. Je suis admiratif de l’enchaînement des accords. Il faut savoir que McCartney a réalisé ce disque seul. C’était mon cas sur mon premier EP, Naissance (2021). Je travaille aujourd’hui sur un nouvel album. Je garde toujours la main sur la réalisation, les arrangements, la sonorité mais la fabrication sera plus collective. »

G.A.F.F. (2021) par Tropical Fuck Storm

« J’ai entendu pour la première fois ce morceau au festival “On lâche rien sauf les chiens”, à Poligné (Ille-et-Vilaine). Il était diffusé sur scène avant un concert. J’ai couru récupérer mon téléphone dans les loges pour le shazamer. Le morceau est construit sur un choc de cultures : d’un côté l’art du sampling et du collage cher au hip hop américain, de l’autre un rock aux sonorités hyper distordues jouées avec de vrais instruments. Cela donne de belles mélodies soudain totalement déstructurées. En France, c’est compliqué d’aller dans cette direction. Le public est attiré par le texte. En revanche, j’essaye d’amener le côté déstructuré avec le live. Je veux aller vers quelque chose de vivant, de dynamique. Je veux m’amuser. Les Anglais sont très bons dans ce domaine. Ils pensent avant tout au public. Un concert, c’est d’abord un spectacle. »

Elle ne t’aime pas (2016) par La Femme

« J’écoute très peu la scène française. J’ai vraiment grandi avec du rock anglais dans les oreilles. Je suis tombé sur ce morceau de La Femme via une playlist sur Spotify. C’est le texte qui m’a touché en premier. Les paroles me parlent. Cette histoire d’un mec qui se fait plaquer. C’est très beau la façon dont le chant et la musique donnent un ton joyeux alors que le contenu est triste. La chanson va de l’avant et invite à la fête. Quand j’écris en français, j’emploie le même vocabulaire que dans la vie. Je veux garder une forme de transparence. Je ne cherche pas forcément la rime. Je puise mon inspiration dans des titres de journaux, des slogans que j’aperçois dans la rue. Je ne vais pas vers la poésie. J’ai envie que ce soit un peu sale. »

Shame (2015) par Young Fathers

« J’aurais pu sélectionner tous les morceaux de ce trio anglais. C’est ma plus grosse inspiration pour faire de la musique. Les textes parlent souvent de religion, cela ne me touche pas du tout. Non, ce qui me plaît c’est l’énergie. Le groupe parvient à créer une musique hybride, à la fois pop et indie. J’ai choisi Shame car le clip est assez classe. En live, ils sont incroyables. Ils sont en transe. Moi, je suis moins extraverti. Leurs albums ont évolué mais ils conservent une esthétique lo-fi. Sur mon prochain disque, je cherche la spontanéité, quitte à laisser les défauts pour atteindre une forme de vérité. Je garde la première prise, je retouche moins les sons afin de révéler le caractère sensible de la musique ».

Terrier est en concert à l’Ubu le jeudi 3 mars, en première partie de Yan Wagner.