Retour aux sources : Yan Wagner

16.02.2022

Yan Wagner a sorti en septembre 2021 Couleur Chaos (sur le label Yotanka), un album qui bouscule le paysage bien rangé de la chanson française. Sur ce disque vibrant il emprunte pour la première fois la langue d’Etienne Daho et joue avec des pinceaux pop, électroniques et disco. Retour sur la toile de fond musicale de l’artiste.

On découvre souvent les artistes sur scène, sur album ou dans un clip. On peut aussi apprendre à les connaître autrement, en s’intéressant aux groupes et aux morceaux qui les inspirent ou les ont inspirés, et qui sont même parfois à la source de leur cheminement musical.

Bop Gun (One Nation) (1993) par Ice Cube

« Lethal Injection, d’Ice Cube, est mon premier CD. J’ai 10 ans. Mon frère, plus âgé de 5 ans, écoute déjà du rap. Je ne fais pas de musique. D’ailleurs, je ne connais rien aux différents genres musicaux, à l’histoire du rap ou du funk. Je sais juste que j’adore ce morceau. C’est plus tard, en commençant à jouer du clavier que je découvre qu’Ice Cube a utilisé le morceau One Nation Under A Groove (1978) de Funkadelic. La musique de George Clinton s’est toujours imposée à moi, sans que je la recherche. Le G‑Funk, Snoop Dog, Warren G… C’est la BO de mon adolescence. Dans mon nouvel album j’ai puisé du côté du funk, du boogie, de l’electro funk. J’ai toujours écouté ces styles, mais je n’avais jamais eu le courage artistique de les intégrer à ma musique. »

It Doesn’t Matter (1997) par The Chemical Brothers

« Ce morceau, très club, est construit à partir d’un unique sample massacré dans tous les sens. The Chemical Brothers étaient mes dieux. Je les découvre sur scène au Bataclan avec mon frère. J’ai 13 ou 14 ans. Mon premier concert. En sortant de la salle, je me dis : “Je veux faire de la musique”. J’avais été frappé par les basses, les lumières, les machines… Sur scène, le duo était entouré d’un impressionnant ring de synthés. Avant ce live, je n’avais aucune idée de la manière dont on produisait ce type de sons. Cette soirée m’a offert un premier aperçu de ce qu’il fallait pour faire de la musique. Il s’en est suivi une enquête de plusieurs mois, voire années – Internet n’existait pas encore –, pour comprendre et m’y mettre. »

L’album Scary Monsters (and super creeps) (1980) de David Bowie

« J’ai découvert David Bowie grâce à ma mère. Une grande fan. Je l’ai d’abord « subi » avant de l’écouter activement. J’aime vraiment toutes les époques, même cette période réputée sombre allant de Tonight (1984) à Outside (1995). Il y a toujours un super morceau, quelque chose de magique et surprenant dans son interprétation ou dans la composition. Scary monsters (and super creeps) intègre les sons aventureux des albums des années précédentes à des formats plus pop. C’est une combinaison parfaite. Il préfigure Blur et Nine Inch Nails. Bowie est un artiste incroyable. Il a su changer tout en restant lui-même. On retrouve ça aussi chez Etienne Daho. Ce sont sans doute des gens qui s’ennuient vite. Moi, je fais de la musique parce que j’ai envie de m’amuser. C’est pourquoi je pense que mes albums peuvent emprunter des chemins assez différents les uns des autres. »

Tastes Good With The Money (2019) de Fat White Family

« Je ne suis pas un fan de la première heure des Anglais. Je les ai découverts avec leur deuxième album, Songs For Our Mothers (2016). J’aime la façon dont ils s’amusent avec leur image. Ils savent être drôles sans jouer pour autant les bouffons. Leur humour apporte beaucoup de profondeur à leur travail. Leur dernier disque, Serfs Up! (2019) est beaucoup plus pop, certains morceaux comportant des parties de cordes, et même un peu d’Auto-tune, mais cela ne signifie pas qu’ils retournent leur veste. Ils n’ont pas peur de décevoir certains de leurs fans hardcore. Cette façon de se renouveler témoigne selon moi d’une grande générosité. »

Scènes de manager (1982) — Alain Bashung

« Play Blessures (1982) est le premier album d’Alain Bashung qui m’a saisi. La musique est vraiment futuriste pour l’époque. Lors des prestations à la télé, le batteur, c’est juste un gars avec une Roland TR-808  [boite à rythmes iconique du début des années 80] ! J’ai réalisé avec ce disque que Bashung n’était pas un simple chanteur de variétés. J’aime bien ses paroles labyrinthiques. “Scènes de manager” ? La formule est obscure. On y entend ce qu’on veut. Sur mon nouvel album, je me suis mis au français. Avant d’entamer le travail nécessaire pour faire sonner ma voix dans cette langue, j’appréhendais un peu mais cela a été une révélation. Cela me permet d’être plus ambigu, plus complexe, et paradoxalement plus honnête. »

Yan Wagner est en concert à l’Ubu le jeudi 3 mars, avec Terrier en première partie.