Retour aux sources : Vicky Veryno

28.10.2022

Pour ce troisième épisode de notre série « Retour aux sources » consacré aux artistes rennais·es accompagné·es par Les Trans cette année, on plonge dans l’univers musical foisonnant et passionné de Vicky Veryno, à travers cinq titres choisis par l’artiste et qui ont marqués son parcours.

Radioactivity, sur l’album Radio-Activity (1975) de Kraftwerk

 

« J’ai découvert Kraftwerk quand j’avais 6 ou 7 ans. Mon père avait le vinyle de Radio-Activity. L’album me fascinait autant qu’il m’effrayait. L’ouverture de l’album, où l’on entend le bruit d’un compteur geiger, était terrifiant. Mon père m’expliquait ce qu’était la radioactivité et j’étais subjuguée. Puis les voix synthétiques arrivent… C’était flippant et en même temps super mélodique ! J’écoutais peu de musique à l’époque, mais j’ai bloqué sur cet album. C’est un peu ma première relation intime avec la musique, dans le sens où à ce moment-là, je me pose pour écouter quelque chose. Je sors le vinyle, je mets la platine en route… C’est mon premier rituel musical. Kraftwerk, j’y suis ensuite revenue par le rock, où j’ai pu voir des influences du groupe. J’ai pas mal réécouté leur discographie par la suite ; j’aime beaucoup la période allant de Radio-Activity à Computer World. Et de Kraftwerk, je suis ensuite allée vers la musique électronique, vers Aphex Twin comme Vangelis. »

Which Will, sur l’album Pink Moon (1972) de Nick Drake

 

« C’est un disque que j’ai emprunté par hasard, dans une médiathèque, quand j’étais ado. Je bouffe tout le temps de la musique, je ne m’arrête jamais. Et là, la pochette m’avait intriguée. Mais la première fois que j’ai écouté Nick Drake… je me suis faite chier (rires). Puis les années ont passé et j’y suis revenue plus tard, au lycée. Pink Moon a été un choc ; il y avait ce son de guitare que je n’avais jamais entendu avant. Je peux écouter Nick Drake tout le temps, que je sois triste ou heureuse. C’est une musique plutôt romantique, sombre, contemplative, presque ésotérique. Mais je me sens en confort quand j’écoute Nick Drake, et Pink Moon en particulier. Quelques années plus tard, j’ai étudié le matos qu’il utilisait, son jeu, jusqu’à sa longueur d’ongles pour piquer les cordes… J’ai pris une guitare acoustique – je n’avais jamais fait de guitare de ma vie – j’ai testé les accordages, et j’ai fait des reprises de Pink Moon. Puis j’ai commencé à créer mes propres trucs. Et c’est là que j’ai lancé Vicky Veryno. Ça m’a permis de sortir du solfège : j’étais juste guidée par mon oreille. Pour moi, c’était un retour à quelque chose d’instinctif, de viscéral dans le rapport à la musique. Nick Drake a aussi été pour moi une introduction à la musique folk. Ma mère m’a ensuite fait découvrir Simon & Garfunkel, Joni Mitchell, Neil Young et tant d’autres. »

I’m In Your Mind, sur l’album I’m In Your Mind Fuzz (2014) de King Gizzard & The Lizard Wizard

 

« J’aurais pu citer toute leur discographie. C’est une découverte plutôt récente ; je dirais, en 2017, quand ils ont fait l’exploit de sortir 5 albums dans l’année. King Gizzard, c’est un terrier de lapin : une fois que tu es dedans, il y a plein de choses à manger. J’ai été fascinée. L’inventivité, l’énergie, la liberté de création aussi. Le groupe joue plein de styles différents, mais surtout ils me semblent très sincères dans leur façon de faire. C’est aussi leur son global : ça se sent qu’ils travaillent sur bande. Ça faisait longtemps que je n’avais pas entendu un son comme ça : un son bien étouffé, bien crade, qui sert aussi leur propos. C’est sincère et en même temps ils ne se prennent pas trop au sérieux. C’est à la fois sophistiqué et dédramatisé. Ça fait du bien de voir un groupe qui s’amuse, tout en étant de qualité. »

Dontcha, sur l’album Feel Good (2013) de The Internet

 

« C’est seulement récemment que je me suis mise au hip hop. L’esthétique me plaît et le texte est au premier plan. Kendrick Lamar, Aesop Rock, Mac Miller, Thundercat… Je trouve qu’en terme de création et d’innovation musicale, le hip hop est le genre musical le plus en forme. Ça prouve bien que le langage, le texte, la voix fédèrent. Le hip hop, qui met ça au premier plan, fait la poésie d’aujourd’hui. Le genre me fascine d’autant plus qu’il y a beaucoup d’hybrides. J’ai choisi ce morceau de The Internet, parce que c’est un peu la synthèse de ce que j’aime bien : les instrus sont jouées, en même temps il y a des productions samplées, il y a la voix soul et en même temps le phrasé hip hop, et les textes et leurs messages me plaisent. Ça me questionne en ce moment, sur ma façon de considérer mes textes, et la façon dont le chant s’insère dans la musique. »

Taphead, sur l’album Laughing Stock (1991) de Talk Talk

 

« J’ai choisi Talk Talk parce que je suis captivée par la façon dont un groupe comme celui-là, qui crée des titres pompiers, qui passent à la radio, peut faire un virage musical aussi extrême. En ce moment, j’écoute tous leurs disques, jusqu’à l’album solo de Mark Hollis [chanteur du groupe]. Je ne m’en remets toujours pas. Ce qui me fascine surtout, c’est leur rapport au silence, à l’effacement. On a l’impression que leurs cinq albums racontent une vie entière : c’est explosif au début, puis ça se délite. On passe de titres où tout est rempli, rythmé, à des titres où on lâche les instrus électriques, où l’on passe du synthé au piano. On est enveloppé de silences. C’est oppressant et vide à la fois. J’ai parfois l’impression d’entendre du Arvo Pärt, du Ligeti. Des trucs plus conceptuels qui font qu’on est plus du tout dans de la pop. Mais ça reste accessible. J’aurais également pu citer Radiohead qui a fait un virage similaire avec Kid A. En ce moment, je travaille dans ma résidence avec Les Trans les moments de calme. Que le chant ne soit plus qu’un souffle, qui s’efface et revient. J’aime ces musiciens qui n’ont pas peur de tester de nouveaux trucs et qui se décalent de la musique pop. Ce sont des groupes qui m’ont posé question, avec lesquels j’ai été obligée de forcer mon écoute pour entrer dans un truc incroyable, qui me dépasse encore. Ce dont je m’inspire très fortement. »

Vicky Veryno est en concert gratuit dans le cadre de la Tournée des Trans :
jeudi 10/11 à l’Ubu (Rennes)
samedi 12/11 à Bonjour Minuit (Saint-Brieuc),
jeudi 17/11 au Chabada (Angers),
jeudi 24/11 au Quai M (La-Roche-sur-Yon),
ainsi qu’aux Trans Musicales, le samedi 10/12 à L’Étage (Rennes).