Shane MacGowan : dernière tournée pour le poète punk irlandais

01.12.2023

Le talentueux et attachant artiste irlandais Shane MacGowan, grande figure punk folk des années 1980 et 1990, est mort ce jeudi 30 novembre. Nous avions notamment croisé sa route en juin 1991, à l’occasion du concert de son groupe The Pogues que nous avions alors organisé à la Salle de la Cité (Rennes). Nous republions ici l’article rédigé en son hommage en novembre 2021, à l’occasion de la sortie et de la projection (à l’Arvor, en partenariat avec l’association Clair Obscur), du documentaire Crock Of Gold, réalisé par Julien Temple.

Auteur-compositeur-interprète transcendant et poète de rue dont le comportement d’ivrogne notoire, les dents abîmées et les excès alimentés par la drogue ont souvent menacé d’éclipser sa réputation de chanteur, Shane MacGowan est né le jour de Noël 1957 dans le Kent, en Angleterre. Quelques mois après, sa famille retourne dans son Irlande natale, où il passe les premières années de sa vie, immergé dans la culture irlandaise et les musiques traditionnelles du pays, mais aussi en contact étroit et précoce avec le tabac, l’alcool et la religion.

London Calling

A l’âge de six ans, il déménage à Londres ; là, ses talents d’écrivain se révèlent progressivement et il remporte plusieurs concours de poésie avant d’être renvoyé de l’école à l’âge de 14 ans pour possession de drogue. En 1976, il assiste à son premier concert des Sex Pistols et devient rapidement un habitué des concerts punk locaux ; il forme alors rapidement son propre groupe, Nipple Erectors (rebaptisé ensuite The Nips).

 

Bien qu’ils trouvent un mentor et un producteur dans la personne de Paul Weller (du groupe The Jam), les Nips échouent et le groupe est dissout à la fin de l’année 1980. MacGowan occupe ensuite un emploi dans un magasin de disques, faisant des remplacements occasionnels dans The Millwall Chainsaws, le groupe de son ami Spider Stacy.

The Pogues

Lorsque les Chainsaws se séparent à leur tour, MacGowan et Stacy forment The Pogues — initialement nommés Pogue Mahone (une sorte d’équivalent phonétique en langue gaélique de l’expression “kiss my ass”) avec l’accordéoniste James Fearnley, la bassiste Cait O’Riordan, le guitariste Jem Finer et le batteur Andrew Rankin. Jouant une forme de folk irlandais rythmé par l’énergie et la passion du punk, The Pogues devient rapidement l’un des groupes les plus respectés de son époque, avec un certain nombre de hits au Royaume-Uni, dont A Pair of Brown Eyes et Fairytale of New York mais aussi des albums marquants comme Rum Sodomy & the Lash produit par Elvis Costello en 1985 et If I Should Fall from Grace with God de 1988.

Cependant, alors que les histoires sur l’appétit vorace de MacGowan pour l’alcool et les drogues prennent des proportions mythiques, il devient de moins en moins fiable, manquant souvent des performances live (notamment une série de dates en 1988 en ouverture de concerts pour Bob Dylan). À l’automne 1991, les autres Pogues en ont finalement assez et il est renvoyé du groupe. Alors que le problème d’alcool de MacGowan s’aggrave, beaucoup craignent alors pour sa vie. À part un duo en 1992 avec Nick Cave sur What a Wonderful World, il reste assez silencieux pendant plusieurs années, ne faisant qu’occasionnellement des concerts ou des apparitions à la télévision – souvent ivre.

 

The Crock of Gold

En 1994, Shane MacGowan se ressaisit et forme un nouveau groupe, The Popes. Après avoir fait ses débuts à la Saint-Patrick dans un pub londonien, le groupe entre en studio pour commencer à enregistrer son premier album, The Snake. L’album suivant de Shane MacGowan & The Popes sort fin 1997 et il s’intitule The Crock of Gold. C’est à la fois le dernier album studio de MacGowan et le titre du remarquable documentaire réalisé par Julien Temple qui donne la possibilité d’appréhender autrement l’histoire d’un artiste souvent caricaturé au regard de son intelligence, de son humour et de la tendresse qu’il inspire.

Shane à Rennes

Quelques mois avant son exclusion du groupe, Les Trans faisaient venir les Pogues à Rennes pour un concert à la Salle de la Cité, le 29 juin 1991. Le directeur artistique des Trans Jean-Louis Brossard se souvient que le groupe avait demandé une télévision en loge pour pouvoir suivre un match de foot d’une équipe irlandaise… mais aussi que l’alcool était effectivement un compagnon de route pour Shane tout au long de la journée et de la soirée, ce qui ne l’avait pas empêché de faire un très bon concert. Et de finir au petit matin au comptoir d’un bar en face de la gare, à signer des autographes aux quelques personnes qui savaient qu’ils n’avaient pas ici affaire à un ivrogne local mais à un poète irlandais en tournée !